[Carnet de voyage] Bienvenue à l’île de Kathior 📌

diopadou
9 min readFeb 13, 2021

J’ai profité du week-end prolongé du 25 décembre dernier pour aller aux îles du Saloum. Toujours un plaisir d’aller dans ces îles, découvrir leurs histoires et mythes, la résilience de ceux qui y vivent. Toujours un plaisir de faire ces voyages inopinés où chaque jour et au détour de ces virages formés par les bolongs, on tombe sur de belles surprises. C’est par exemple ces dauphins sur lesquels je suis tombé sur le chemin du retour de Sipo. Ce n’était pas la période. Mais ils étaient là, comme si, ils n’attendaient que moi.

Ma recherche sur booking.com m’amène cette fois-ci au Bonobo Lodge. Le bonobo est à l’île de Kathior. L’île de Kathior est dans une cachette. Cela explique l’origine de son nom. La légende raconte d’ailleurs que des pirates y déposaient leur butin. Et de là, on désigna l’île du nom de ces Kathior (brigands).

L’Île de Kathior, j’y suis parti avec Malaw. Vous savez, ces vielles (pas toujours le cas) voitures qui ont fait leur temps et qui ont été de toutes les batailles. Sauf que cette fois-ci, c’est sur la route que ça se passe. Malaw, le mien, n’était pas en mauvais état. Mais il arrivait qu’il fasse ses caprices jusqu’à ce que la hantise de le conduire et qu’il tombe en panne au pire moment ne vous habite. Et la peur est encore plus grande lorsqu’on doit se taper 400 Km en aller-retour. Tant pis. Il me fallait sortir de Dakar, évacuer tout ce stress accumulé durant cette année qui n’a pas été de repos. Malaw devait passer la révision le vendredi. Vérifier que l’armature était prête. Départ le samedi matin. Dakar — Diourbel puis Kaolack et enfin Toubakouta. De Toubakouta, il faut prendre une bifurcation pour aller jusqu’à Missirah où Boubacar le piroguier m’attendait. Je ne sais pas si c’est l’effet de la première fois ou pas, mais le voyage me parut plus long que je ne pensais. J’ai raté la première piste de latérite. Il y a une deuxième piste mais elle est plutôt sableuse. J’hésite puis une vielle dame avec sa bassine me rassure. Nous partirons ensemble. Plus tôt, j’avais laissé des élèves au bord de la route. Un minibus était aussi passé. Malaw allait souffrir mais il pourra surmonter. L’inconvénient de prendre un chemin que l’on ne connait pas est d’avoir cette impression que ça dure. Et le plus drôle, c’est que je m’étais engagé dans une forêt. Un panneau indiquait la présence de phacochère. Malaw n’en est pas sorti indemne. Il faudra passer chez le tôlier au retour. Il n’y en a pas à Missirah. Au quai, Boubacar et un vieux me proposaient quelques bricolages en attendant le retour sur Dakar chez le tôlier. Je leur confiais Malaw puis nous embarquâmes enfin pour le Bonobo avec deux couples avec qui nous partirons.

Marée basse oblige. Nous devons faire un détour. Tant mieux. Qui ne voudrait pas profiter du spectacle qu’offrent les mangroves. L’envol d’oiseaux dont on découvre l’éclat de leurs plumes teintées avec l’éclat du soleil. Le bleu de l’eau, devenu vert avec l’éclat des mangroves. Le bruit du moteur. Les poissons qui sortent, sautillent de l’eau comme pour marquer, eux aussi, leur présence au risque de se faire ravir la vedette.

Ce qui fait le charme des îles du Saloum, c’est aussi l’empreinte mystique. Les îles, j’ai toujours l’impression que l’on navigue, l’on tourne et au détour une île que surplombe un baobab apparaît, comme par magie. Comme si, ces îles avaient la faculté de se déplacer.

Chouette, c’est le mot qui sied le plus au Bonobo. Christine la proprio était déjà sur le ponton pour nous accueillir. L’île est aussi désert et vierge. La végétation y est abondante. Les constructions sont style écolo. L’eau peut y devenir une denrée précieuse. Il ne faut pas trop espérer pour la connectivité. C’était aussi ça, l’un de mes objectifs pour ce séjour : la déconnexion. Au petit matin, ce sont les vagues qui échouent sur les rebords de l’île ainsi que le gazouillis d’oiseaux qui vous réveillent. Cette musique vous accompagne au petit déjeuner tout en observant le bal des oiseaux qui arrivent avec leurs plumes teintées de toutes les couleurs.

La douche est en plein-air. Attention au bain le soir car les chauves-souris vont survoler. Christine, la gérante, est aussi aux petits soins et la cuisine y est fort agréable. Leur Bissap a certainement quelques secrets enfouis dans les trésors des pirates dont on ne trouve aucune trace. Mon coin préféré du Bonobo reste certainement la bibliothèque. J’ai d’ailleurs décrété que c’était la plus cool du monde. On peut s’y balancer le pied posé sur le sable fin tout en parcourant les pages d’un livre. Un autre coin pour la sieste après le déjeuner, c’est la case des hamacs. Le matin, on peut s’y offrir un bain de soleil.

Le bonobo c’est aussi le ponton. L’endroit idéal pour admirer le lever ou le coucher du soleil. Je soupçonne que pour voir les meilleurs couchers de soleil, il faut aller dans les îles du Saloum. Le jeune homme que j’ai trouvé sur place est un fan de Youssou Ndour. Sa musique collait parfaitement. L’instant d’oublier ce qui se passait sur l’autre côté, se focaliser sur l’instant et comme par magie estomper tous ses soucis. Le bonobo Lodge est en cela l’endroit idéal pour se détacher littéralement. Car au Bonobo, on peut oublier le reste du monde.

Dimanche, c’était Sipo ma destination. Sipo c’est Fatou Mané. Fatou Mané sa reine. Celle qui veille singulièrement à cet île et qui est devenu par la force de ses clichés répandus sur le net, l’icône et le symbole de cet île. Fatou Mané est comme tous les grand-mères. Cette facilité à transpirer de la chaleur humaine, taquine à souhait et surtout dotée d’une grande humanité. Fatou Mané me rappelle ma grand-mère, Mère Mbeya. Grand-mère, aussi, n’était qu’humanité. Elle savait donner de l’amour. Elle savait imprimer à chaque relation une bienveillance particulière que l’on puisse chacun dans son coin penser être la préférée de Mami. J’aimais la rendre visite. Grand-mère aimait tenir ma main et répéter plusieurs fois mon nom. Caresser encore ma main et m’appeler affectueusement Rahman Ibn Aouf. Grand-Mère savait aussi imprimer cette bienveillance au geste. Dans l’art de rouler la farine de mil, qui plus tard, faisait le secret de ses délicieux « fondé ou tiacry ». Elle vieillissait mais avait toujours la force de les rouler. Car la force et l’entrain, on ne s’en délecte jamais quand la bienveillance est dans l’acte.

À SIPO, presque tout le monde se nomme Touré. Quand vous vous nommez Diop donc attendez-vous à ce qu’on vous sorte la blague de « notre esclave ». Moments de taquinerie donc à chaque fois que je décline mon nom. Ce sont ces moments uniques, ces patrimoines qui offrent même à l’étranger que je suis cette facilité d’intégration et cette envie de vivre dans ces îles. À Sipo, à part rendre visite à la reine, vous pourrez faire le tour de l’île à bord d’une calèche. Sipo est à quelques minutes de Kathior. Je prenais congés de la reine. Retour à Kathior. Déjeuner pris. Je ne m’étais pas rendu compte de l’heure. Toubakouta — Dakar m’attendait encore. Malaw avait subi quelques bricolages le temps de tenir le trajet. Je prenais congés de Boubacar et du vieux qui gérait le hangar où Malaw était garé.

Avant de partir, le vieux versa quelques jets d’eau sur les 4 pneus de Malaw. L’eau, c’est la vie. Ici, elle est toute vie. Elle est celle qui entoure les îles. Elle est celle qui augure les bonnes routes. Ou encore, ailleurs, celle qui augure de bonnes recettes pour la vendeuse de fruits ou de “Thiaf” qui l’asperge sur sa marchandise au petit matin. Celle-ci est l’eau bénite, chargée mystiquement, dès fois. Pour le voyageur aussi, elle doit être versée avant le premier pas. J’étais bon à repartir. Je quittais Missirah laissant derrière moi une énorme poussière rouge. Le bonobo et l’île de kathior étaient perdus quelque part dans ces sinueuses routes que forment les bolongs. Malaw était prêt à repartir. Il était déjà 17h. Aux environs de 19h, j’étais déjà vers Gossas. Mon téléphone sonna. Je ne réponds jamais au téléphone quand je conduis. J’ai voulu laisser un message à la personne. C’était trop tard. Un chauffeur en face m’avait ébloui. Je dus descendre un peu de la route. Un crissement de pneu entendu, mais Dieu fait bien les choses. C’était pile devant un vulgarisateur : 2 pneus crevés. Le vulgarisateur n’était pas venu ce jour. Mais je pus me procurer son numéro. Il était déjà là 30 minutes après.

Si j’avais entrevu tout ceci, j’allais quand même faire cette aventure. Car 2020, avec le contexte de pandémie, on n’en sort pas indemne. Chaque seconde est une nouvelle chance. Et je compte bien me donner la chance de vivre l’instant. Prenez soin de vous et de vos proches. Et surtout prenez de leurs nouvelles. En lisant ceci, c’est une nouvelle chance peut-être de penser à le faire à l’instant. Car ils sont parfois nécessaires ces petits bouts de chose pour profiter pleinement de la vie : quoique cela se fasse sur un bout de terre (île) sur un bout de temps (week-end) et malgré les péripéties du quotidien.

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